Bonjour!
Je voudrais vous raconter une anecdote de randonnée pour avoir votre avis : pensez-vous que je risquais gros ou non?
Voilà l'affaire: cet été je suis partie faire le pélé de St Jacques de Compostelle. A force de lire des récits de gens qui traversent la moitié de la Russie en décembre en pyjamas de toile et chaînes aux pieds, et qui s'en sortent vivants, j'ai du mal à m'inquiéter pour ce genre de randonnée hyper balisées où on ne risque pas vraiment de se retrouver en situation extrême (enfin sauf si on s'y place soi-même, c'est vrai...). Pour vous dire dans quel état d'esprit j'étais, j'ai fait mon sac le matin-même, je suis partie sans sac de couchage ni vêtement contre la pluie (ni bien d'autres choses encore). J'avais bien envie de tenter l'expérience en partant à l'arrache comme ça.
C'était le 2 juillet, je suis arrivée en train à St Jean Pied de Port vers 16h30. St Jean Pied de Port c'est l'étape juste avant la traversée des Pyrénées, derrière lesquelles on trouve l'étape de Roncevaux. Comme c'était mon 1er jour, il ne m'est pas venu une seconde à l'idée que je ferais mieux de dormir sur place et de ne commencer la traversée des Pyrénées que le lendemain. Je ne me suis même pas dit "ah ouais c'est super dangereux mais jm'en fous je suis trop forte je le fais quand même", pas du tout... je n'ai juste rien pensé: j'arrive à St Jean Pied de Port, je passe à l'accueil des pèlerins chercher un crédencial (le mec s'étonne quand il apprend que je n'attends pas le lendemain pour partir, mais il ne dit rien de plus), et je commence à marcher. Normal quoi.
Bref je débute l'ascension vers 17h30. Il fait gris et lourd, je transpire bien dans la montée. C'est magnifique. Grande joie du 1er jour, de me retrouver enfin à l'air libre, tranquille toute seule avec un mois de marche devant moi.
Je marche, je marche, la pluie se met à tomber, doucement d'abord, ça me rafraîchit c'est parfait. Je suis en tee-shirt, déjà un peu mouillée. Puis il se met à pleuvoir à verse et je me retrouve totalement trempée et ruisselante comme si j'avais plongé tout habillée dans un lac. Mais jsuis contente, jme sens vivre, il fait encore jour, ça ne fait que commencer (dans ma tête). Je passe devant un refuge de pèlerins, un mec devant la porte s'étonne de me voir remplir ma gourde mais pas m'arrêter. Il me dit: "Eh mais c'est encore loin Roncevaux, et il pleut, reste dormir ici!", je réponds "Non non merci ça va, il n'est pas tard, j'ai envie de marcher", et il n'insiste pas. Je continue. La pluie continue à tomber très fortement. Le ciel se couvre. La brume s'installe. On commence à être sérieusement en altitude. Il fait de plus en plus froid. Là je commence enfin à me dire que je suis peut-être bête de ne pas m'être arrêtée au refuge. Mais je pense en termes de confort, toujours pas de sécurité. Je n'ai aucune conscience d'un quelconque danger. Je continue. Puis un orage éclate, avec des bourrasques de vent, la pluie, les éclairs, le tonnerre... un orage quoi. Là je commence à flipper. m*rde je suis toute seule dans la montagne, il paraît que c'est dangereux les orages (vague souvenir du dessin animé "Belle et Sébastien")... Je me demande si je ferais mieux de rebrousser chemin ou de continuer. Je me dis qu'au pire je peux toujours marcher toute la nuit pour me réchauffer, ya des gens qui sont passés par des choses beaucoup plus extrêmes que ça. Mais j'ai peur, si bien que je me mets à prier de toutes mes forces, en me disant que c'est quand même bien con de mourir un 1er jour de pèlerinage. Et là j'entends un bruit derrière moi, une voiture. Elle s'arrête à ma hauteur. Je m'attends à entendre "Bonjour mademoiselle, vous voulez qu'on vous dépose quelque part?", et au lieu de ça, quand la vitre se baisse, un mec se met à m'aboyer dessus avec l'accent du coin, me gueulant de mettre tout de suite mon sac dans son coffre et de monter dans la voiture. Je m'exécute. Je ne ressemble à rien, je suis trempée de la tête aux pieds, je rentre dans la voiture, et là le gars me crie dessus pendant 5 bonnes minutes sans que je puisse parler: "Nan mais t'es complètement folle ou quoi?! une fillette de 20 ans! qu'est-ce que tu fous ici par un temps pareil?? espèce de tarée! même mes chevaux ils sont effrayés! t'avais pas l'argent de payer l'auberge ou quoi? ou alors tu te crois plus forte que tout le monde?? ah toi je parie que t'es de la ville ma petite!!" enfin bref après tout ça il m'explique qu'il est le proprio de l'auberge devant laquelle je suis passée, et que son employé (le mec avec qui j'avais parlé à la porte), quand il a vu l'orage éclater, s'est souvenu que j'étais là-haut et l'avait prévenu, alors il a foncé pour venir me chercher. Je bredouille que non, c'est pas une question d'argent, que non, je suis pas de la ville, mais que je suis pas de la montagne non plus, et que non je ne me crois pas plus forte, mais que juste jme rendais pas compte, etc. Il me dit "puisque c'est comme ça tu feras la vaisselle ce soir pour payer ton logis!". On arrive à l'auberge, je m'attable avec les gens qui sont déjà en train de dîner (entrée fracassante, ruisselante de partout; et j'ai juste un tee-shirt de rechange, pas de serviette de toilette, c'est hyper pratique). Le patron, Jean-Jacques, qui me traite comme sa fille (autant dans l'engueulade que dans l'affection) me sert à boire, à dîner, une douche chaude, un lit douillet, tout ça gratuitement (alors que c'était pas une auberge où on fait des cadeaux aux pèlerins, comme c'est le cas dans certaines en Espagne) et je fais même pas la vaisselle
. Il a fini par se calmer et maintenant on peut un peu discuter. Il me dit que l'an dernier il avait insisté pour qu'un gars s'arrête mais que celui-ci avait continué, et le lendemain la gendarmerie avait retrouvé son cadavre dans la montagne, et lui s'était senti coupable de la mort de ce randonneur. Je comprends mieux sa colère...
Enfin c'est pas mal pour un 1er jour quand même! Lorsque je suis arrivée à St Jacques je lui ai écrit une carte postale pour lui dire que j'étais vivante...
Alors maintenant j'aimerais vraiment avoir votre avis: est-ce que j'ai été complètement inconsciente? est-ce que ça aurait pu aussi vous arriver? de quoi aurais-je pu mourir?
J'attends vos réactions (et j'ai déjà eu droit à une bonne engueulade alors allez-y mollo hein
)