Je devais travailler... Mais bon, je comprends votre impatience.
Je vous relate mon expérience, mon vécu. Les autres ont certainement connu d'autres sensations.
Pour moi, c'est une grande leçon d'humilité. Un petit rien peut vous rappeler que les choses sont toujours incertaines (ou que vous pouvez faire des grandes conneries). Je sais que je vais en surprendre plus d'un car je me suis fait tout petit mais l'honnêteté m'oblige à vous avouer comment j'ai merdé dans les grandes largeurs:
Nous étions donc 8 autour de David: Kartoffel et moi en pom-pom girls de luxe; Huskbarthai, Cynry, Kikou 92 et Lambda pour les forumeux assidus et Marion et Céline, randonneuses de choc. Langouste, terrassé par son lit, était excusé.
Le scénario tournait autour de la rando à la journée qui dérape et obligation de passer la nuit. Chacun partait donc avec de quoi passer une journée de rando par ces températures hivernales et à l'altitude de 1500 m.
Afin de parer à toute éventualité, les pom-pom girls avaient prévu des sacs de demoiselles avec tout ce qui faut dedans pour armer un régiment, en cas de pb. J'avais même les luges-pelles.
Au petit matin, les prévisions des joyeux drilles de Météo France Drôme se confirment: les pluies intermittentes dans la journée se renforceront en soirée. La nuit sera marquée par des pluies persistantes.
Quand il ouvre la fenêtre, David a une moue qui, à elle seule, annonçait les conditions que l'on allait connaître:
On voulait encore y croire en se tournant vers le sud...
La matinée se déroulait sans encombres avec une marche d'approche facile.
Nous en étions à délirer à l'heure du déjeuner sur le confort dans lequel verse un certain nombre d'entre nous tellement sûrs d'avoir enfin trouvé le bon matériel et la bonne attitude. Cynry, avec son Sierra, faisait une démonstration de maestria culinaire à Huskbarthai très intéressé.
Vu sous un angle différent, Philippe révèle un sens du détail qui fait de la polenta une oeuvre où il démontre un art consommé de la haute cuisine
Chaque geste compte, chaque ingrédient est mesuré. Le chef inspiré est ailleurs... La réalisation flirte avec le sublime:
Cela nous donne un
"lit de polenta minute agrémenté de ses copeaux de parmesan"Un régal...
Normal, le chef ne travaille qu'avec des produits d'exception que son exigence lui impose d'emporter dans toutes les conditions...
Ah! la découverte du bidon d'huile d'olive, première pression à froid... Ca vous pose le survivor...
Bref, nous en étions là de notre certitude de passer tranquille cette après-midi, que nous n'avons porté qu'une attention très vague au chemin détrempé et boueux que nous avons emprunté ensuite.
Au bout de quelques centaines de mètres, les pom-pom girls que nous sommes (Karto et moi) avons demandé, délicatement, à tout un chacun de se délester, gracieusement, de son sac à dos. Nous avons alors entrepris de voir qui avait sur soi une source de feu (briquet ou firesteel), un couteau, un amadou ou allume-feu, une couverture de survie, de la ficelle. La plupart, parce qu'ils s'étaient déshabillés pour marcher, n'avaient plus qu'une petite polaire ou un pull. Seul Lambda et les pom-pom avaient une veste. Certains avaient une petite pharmacie et d'autres spécialités. Aucun n'avait de poncho sur lui à cet instant.
Une fois l'amer constat effectué, nous reprenons notre marche pour nous rendre compte un peu plus tard que le point de situation sur la carte n'est pas si simple à faire. Autrement dit, nous étions de parfaits randonneurs insouciants.
Arrivés vers 14h30 sur le lieu du bivouac, c'est avec bonheur que chacun se mit à rechercher l'espace où il allait passer la nuit (de préférence sur une bosse et protéger des courants d'air descendant par de la végétation ou un rocher). Gaillardement, chacun se mit à ramasser des feuilles ou récupérer des branches de pin, on bricolait ferme. Tout ça pour figurer la création d'un abri en urgence. Les travaux de la plupart se terminèrent... 3 heures plus tard
. Dans certains cas, on était pas loin de la maison des 3 petits cochons (n'est-ce pas Karto -il ne manquera pas de répondre quand il redescendra du Vercors où il se ballade encore avec Lambda et Langouste - et Kikou?).
C'est vers 18 heures que les choses ont changé. Dans le jour finissant, la pluie s'est mise à tomber. Régulière, lourde, elle a rapidement rendu les choses plus complexes sans rien dévaster pour autant. Simplement, à tomber sans relâche pendant 12 heures, elle va nous rappeler que le poncho est l'ami de l'homme et sa cousine s'appelle une bâche.
Les températures finalement: 6 degrés vers 14h. voisine de 0 dans la nuit. Vent quasi nul en dehors des courants d'air classiques dans ces conditions.
Moralité: l'humidité est corrosive pour toute matière même le corps humain qui peut néanmoins se défendre par un humour encore plus corrosif.
C'est ainsi que les petits scarabées se préparèrent le coeur léger à faire corps avec la nature.
Ca s'est passé donc avec un sommeil par intermittence après une veillée à écouter des blagues de grizzli (racontées par
"devinez qui?") et des contes inuits (racontés par Céline qui a réalisé une partie de la traversée du Groënland à pied...)
Au petit matin, les héros étaient fatigués mais en vie. Aucun n'ayant utilisé son sac de couchage ou autre chose que du matos ordinaire de randonnée à la journée. Plusieurs ne se sont pas levés de la nuit (si tu savais comme tu ronfles, Eric
).
Personnellement, j'ai voulu rester fidèle au scénario. Je n'ai utilisé que du matériel que j'avais préalablement fait tenir de manière ordinaire dans un sac de 25 litres que j'utilisais traditionnellement pour les rando à la journée. Rien de plus: réchaud pour le petit café que j'adore emmener. En-cas de bouffe (nouilles chinoises et baguettes, polenta, bouillon cube, sachets de thé et café, sucres). Un paquet de gâteaux et un autre de bananes séchées. 10 mètres de cordelette de montage (diam. 7 cm), ficelle, couteau suisse, lampe frontale, couverture de survie épaisse, hamac, poncho, guêtres, gants en cuir et moufles avec gants en polaire, appareil photo. J'avais sur moi: polo en polartech, pull marin, smoke camouflée, pantalon en coton, surpantalon doublé. Plus la doudoune en duvet. Au pied, j'avais des Matterhorn (on avait parlé de rester les pieds dans la neige: cuir avec une couche de gore-tex, doublé Thinsultate).
Je n'avais pas de sous-vêtements techniques. Ils étaient à portée de main mais ne les ayant pas mis au départ, j'ai considéré que je ne les aurai pas mis dans mon sac. Le gros sac à dos que j'ai emmené n'avait pour but que d'emmener du matos supplémentaire pour palier un oubli d'un participant ou montrer du matos utile.
Ayant choisi de mettre ma smoke parce que ça faisait plus style et qu'elle était imperméabilisé alors j'était curieux de voir ce que ça donnait, j'ai laissé ma gore-tex dans mon sac.
Les points positifs:- Le hamac s'est révélé idéal pour ne pas mouiller ses affaires. D'autre part, cela évitait de se salire.
- Le surpantalon était aussi très efficace pour éviter de se mouiller.
- Les gants en cuir pour scier en sécurité, manipuler à loisir les braises, le vacherin chaud...
- La smoke sèche pour ses poches et son tissu coupe-vent.
- La couverture de survie renforcée avec oeillets qui s'est avérée un tarp très efficace.
- La ficelle sisal, allume-feu qui sert à accrocher tout type d'objet ou ficelle dont les fibres peuvent s'enflammer au firesteel. Je radote mais le fait de savoir que je peux la couper sans remords me va très bien.
- Le firesteel qui montre qu'il peut allumer sous la pluie.
- La scie du couteau suisse (Ranger de Wenger) qui se montre très efficace et suffisante
- Le carcajou qui encaisse sans broncher.
- Le papier de verre 240 - 600 - 800 qui permet de redonner une vie à une lame ayant subi les derniers outrages.
- La zipka de Petzl. Petite frontale a élastique rétractable, nickel dans ces situations.
- La chaufferette 24h. Je n'avais pas de sous-vêtements techniques. Je n'ai pas eu vraiment froid grâce à elle.
- Le bonnet, inutile de dire ce que cet accessoire, que l'on peut mettre et enlever à volonté pour gérer sa température, apporte.
- Le poncho qui peut servir de couverture de circonstance.
- Le thé qui permet de se réchauffer et de se donner du baume au coeur rapidement.
- La gourde à grand goulot, une bouilloire ou un quart qui permet de récupérer de l'eau sur le tarp
Les points négatifs:- La connerie (j'ai choisi mettre ma fierté de côté pour vous livrer ma bêtise et ses conséquences): Je n'ai pas mis mon poncho alors qu'il pleuvait, histoire de tester ma smoke dans ces conditions car je venais de la traiter au Nikwax. Et c'est là que mon manque d'humilité et bon sens m'a fait faire des conneries, à moins que ce ne soit la fatigue et la perte de clairvoyance (un début d'hypothermie?). A garder cette veste en coton sous la pluie, j'ai mouillé mon blouson en duvet qui était dessous. Du coup, quand David a refait du feu, je n'étais mécontent d'aller me sécher. J'ai eu la grande idée de vouloir faire sécher ma smoke. Quand j'ai vu s'évaporer l'eau à grande vitesse, j'ai voulu faire de même avec la doudoune en duvet. Impeccable, l'eau s'évaporait en volutes de vapeur. Et pour être bien sûr de faire partir l'humidité, je suis resté près du feu avec ce blouson... Juste assez pour faire céder le tissu. Je n'ai plus qu'à aller voir ma couturière préférée pour voir si elle n'aurait pas un morceau de tissu synthétique orange... Premier diagnostic: c'est pas si grave, elle en a vu d'autres... M'enfin.
- Le poncho qui finit par condenser et mouiller ce qu'il est censé protéger.
Au global, j'ai passé une bonne nuit à dormir par bouts de 2 ou 3 heures dans le hamac. J'ai eu un peu froid vers 4h30. En dehors de cela, le poncho s'est avéré une bonne couverture. Je n'ai pas beaucoup mangé (les gâteaux et les bananes). Par contre, je n'ai pas arrêté de boire. 4 à 5 litres, environ.
Conclusion: je valide vraiment la solution que j'ai retenue même si la couverture de survie ne couvrait pas tout le hamac. Elle me couvrait moi et ça suffisait... Un petit sac de couchage dans un sac à dos, même pour une journée, ça le fait. Un réchaud Esbit ou autre petite source de chaleur avec du thé, ça le fait aussi. La couverture de survie renforcée, c'est vraiment épatant de solidité. Encore et toujours, le hamac.
Enfin, mettre son poncho quand il pleut sans attendre d'avoir ses fringues mouillées, c'est moins c*n.
A+