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Auteur Sujet: Point sur la légitime défense en France  (Lu 25623 fois)

31 janvier 2011 à 22:49:04
Lu 25623 fois

F.


J'ai découvert ce forum il y a plus d'un an. Il m'a beaucoup apporté et permis de réellement progresser dans le domaine de la préservation de soi, au sens large.

Pour apporter quelque chose à mon tour, dans un domaine où j'ai une compétence, j'ai rédigé un point sur la notion française de légitime défense.

Les propos qui vont suivre sont ceux d'un théoricien du droit. Je ne suis ni juge, ni avocat, ni gendarme ou policier ; juste un juriste de formation (DESS) avec quelques mois de pratique professionnelle (il y a déjà un certain temps, d'ailleurs).

J'analyse la légitime défense sous un angle juridique uniquement, sans tenir compte d'éléments stratégiques , moraux ou autres, qu'on pourrait aussi y accoler.

Je ne prétends pas détenir la vérité sur le sujet. Simplement, j'ai un certain savoir-faire en décryptage de textes juridiques et recherche de jurisprudence.

PS : je ne sais pas s'il vaut mieux ouvrir un nouveau fil ou continuer sur celui qui commente l'article sur le blog de Morea.


La légitime défense des personnes est définie à l'article 122-5 du code pénal français.


Ce texte sera appliqué pour tout acte jugé par un tribunal français, que cet acte ait été commis en France ou à l'étranger, par un français ou un étranger, sur un français ou un étranger.

La légitime défense doit être prouvée par celui qui s'en prévaut, c'est à dire la personne qui a accomplit un acte de défense. En clair, il ne suffit pas de dire qu'on se trouvait en état de légitime défense pour en bénéficier, il faut prouver que toutes les conditions de la LD sont réunies.


Le premier alinéa de l'article 122-5 concerne la légitime défense des personnes :

« N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. »

Ce texte veut dire que la personne au bénéfice de laquelle la légitime défense a été reconnue, ne verra pas sa responsabilité pénale engagée, bien qu'elle ait commis à l'encontre de son ou ses agresseurs un acte qui correspond matériellement à un crime ou un délit. (En l'occurrence, coups et blessures volontaires, coups mortels, ou meurtre).

Examinons maintenant les conditions à réunir pour bénéficier de la légitime défense :


1° «  devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui » :


La personne peut se défendre elle-même, mais également défendre d'autres personnes, que ce soit des proches ou de parfaits inconnus

L'atteinte à la personne défendue ou qui se défend, ne doit pas être justifiée. L'atteinte justifiée recouvre en pratique trois cas :

-  « l'agresseur » était en réalité engagé dans une action de légitime défense, de lui-même ou d'autrui.

-  « l'agression » est en réalité une interpellation effectuée par les forces de l'ordre, agissant en cette qualité. C'est le cas du témoin qui se jette sur l'agent en civil qui poursuivait un délinquant.

-  « l'agression » consiste en réalité en l'application de l'article 73 du code de procédure pénale, qui donne le droit à tout témoin d'un crime flagrant ou d'un délit flagrant punissable d'emprisonnement, d'appréhender son auteur, pour le conduire devant l'OPJ le plus proche.
ATTENTION : s'assurer par la force d'une autre personne, fusse-t-elle un délinquant, est dangereux juridiquement parlant. On a très vite fait de basculer dans les violences volontaires, l'enlèvement et la séquestration arbitraire.

En résumé, il est important de ne pas foncer bille en tête et de prendre le temps d'analyser la situation avant de poser un acte violent (pour autant que la chose soit possible en pratique).

2°  accomplit, dans le même temps

Ce morceau de phrase veut dire que l'acte de défense pour être légitime, ne doit pas :

 - être accomplit avant l'agression. C'est la prohibition de la défense préventive.
ATTENTION : cela ne veut absolument pas dire qu'il faut attendre d'avoir reçu le premier coup pour riposter ! L'esprit du texte est simplement d'interdire d'agresser autrui préventivement, au prétexte qu'il pourrait éventuellement avoir de mauvaises intentions à notre égard. Ni plus, ni moins. En fonction des circonstances (agression par un groupe, par exemple), il pourra être parfaitement légitime pour l'agressé de porter lui-même le premier coup, à condition qu'au moment où il le fait, l'acte de violence soit devenu inévitable pour préserver sa propre intégrité physique ou celle d'une autre personne.

 - être accomplit après l'agression  : cela recouvre toute action violente accomplie à partir du moment ou l'agression a pris fin, quelle que soit la forme de cette fin (par neutralisation de l'agresseur ou succès de l'acte d'agression), car à partir de ce moment, l'agressé a soit échappé au danger, soit le danger s'est réalisé, et donc il ne court plus de risque.

En résumé, l'acte de défense doit être accomplit de façon concomitante à l'acte d'agression. L'appréciation de ce que la concomitance recouvre concrètement, relève des circonstances.


3° un acte commandé par la nécessité de la légitime défense

Est nécessaire ce qui ne peut pas être autrement, ce dont on ne peut se passer.

Poser un acte violent doit être devenu inévitable pour se sortir de cette situation. On lit souvent dans les manuels de droit que cette condition n'est pas aussi stricte qu'il y paraît et qu'en réalité, dans les cas où le repli est possible, on peut néanmoins choisir de se défendre. Je n'ai pas trouvé d'arrêt de la Cour de Cassation qui confirme clairement cette interprétation.

Et en pratique, du point de vue de la cohérence générale de mon discours et donc de ma crédibilité, je m'imagine mal en  train d'expliquer froidement à un OPJ ou un juge que mon acte de défense était nécessaire, puisque j'avais choisi de ne pas mettre en œuvre la solution viable de repli qui était à portée.


4° sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte


La proportionnalité s'apprécie entre la défense mise en œuvre d'une part et l'atteinte que l'agresseur veut faire subir à l'agressé d'autre part. En droit, la gravité des dégâts occasionnés à l'agresseur, qui ne sont que la conséquence du moyen de défense, n'est PAS un critère à prendre en compte pour apprécier la proportionnalité.

En pratique, on apprécie la proportionnalité en considérant que la gravité intrinsèque de l'acte de défense ne doit pas dépasser la gravité intrinsèque de l'acte d'agression.

Par exemple : riposter à une agression au couteau en poussant à fond une clé sur les cervicales pourra être admissible , car il s'agit pour l'agressé de faire face à un danger de mort. Faire la même chose contre un coup de poing ne sera par contre normalement pas admis, ce type d'attaque ne mettant normalement pas la vie en danger.

Cependant, si je tue mon agresseur, qui a priori ne mettait pas ma vie en danger, en utilisant un moyen de défense normalement non mortel, mais qui aura eu des conséquences aussi imprévues que regrettables pour nous deux, la proportionnalité pourra tout de même être reconnue.

Par exemple : mon agresseur me frappe, je riposte avec un crochet au foie pour me dégager, mais pour son malheur et le mien, mon agresseur est affligé d'une cirrhose monstrueuse et son foie éclate sous l'impact.

Mais dans ce cas, je risque concrètement  d'avoir du mal à prouver que mon acte de défense était pourtant proportionné, malgré qu'il a eu des conséquences extrêmes.


Exemples d'appréciation de la condition de proportionnalité par des juridictions :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000019891420&fastReqId=651520134&fastPos=1Proportionnalité reconnue, car aucun doute possible sur les intentions belliqueuses de l'agresseur et riposte de l'agressé ayant simplement consisté à le faire tomber pour le maîtriser au sol, en attendant l'arrivée des gendarmes. Notez que la gravité des blessures subies par l'agresseur (hanche brisée) n'empêche pas les juges de considérer que l'acte de défense (consistant à faire tomber puis maîtriser) est « manifestement proportionné » à l'atteinte subie : bousculade, menaces et tentative de coups.


http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000006947297&fastReqId=651520134&fastPos=2Proportionnalité non reconnue, vu le grand âge et la fragilité physique apparente de l'agresseur, l'agressé (menacé avec un marteau) étant un homme jeune et robuste.  A noter : un seul témoin, qui n'a pas assisté aux évènements, et prise en compte du fait que l'agresseur n'avait rien d'un enfant de chœur, pour alléger la peine de l'agressé.


http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000006941090&fastReqId=1467908947&fastPos=6Proportionnalité reconnue : deux agresseurs alcoolisés forcent la porte du domicile de l'agressé, refusent de quitter les lieux, se livrent à des violences et menaces avant que l'agressé n'en jette un par la fenêtre et ne menace l'autre avec un cutter.


Points de vigilance particuliers sur la légitime défense :


Légitime défense et homicide involontaire : ils sont exclusifs l'un de l'autre.

Cf exemples 1http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007066931&fastReqId=1731194708&fastPos=1 et 2http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007066931&fastReqId=1889311885&fastPos=1



La cour de Cassation considère que l'acte de légitime défense est nécessairement voulu par son auteur. Or, l'homicide involontaire, défini à l'article 221-6 du code pénal, consiste en substance à causer la mort d'autrui par négligence, maladresse, ou imprudence, sans avoir voulu, ni cette mort, ni l'acte qui l'a causé.

Concrètement, cela veut dire que l'agressé ne peut pas prétendre à la fois bénéficier de la légitime défense et vouloir que son acte soit à défaut considéré comme un homicide involontaire (les peines pour cette infraction sont beaucoup plus légères que celles prévues pour les atteintes volontaires à la personne). S'il veut plaider la légitime défense, il est de fait obligé de reconnaître une atteinte volontaire à l'intégrité physique d'autrui.

Cette interprétation est très critiquable juridiquement et oblige l'agressé à un quitte ou double judiciaire, mais pour l'instant c'est celle de la plus haute juridiction française, il faut donc faire avec.


Cas ou la loi instaure une présomption de légitime défense au bénéfice de l'auteur de l'acte de défense :


Il s'agit de l'article 122-6 du code pénal :

Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :
1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.


ATTENTION : ce texte ne veut pas dire que dans ces deux cas, l'agressé bénéficiera automatiquement de la légitime défense !

Il s'agit « juste » d'un renversement de la charge de la preuve : alors que normalement, c'est à l'agressé de prouver que son acte de défense était légitime juridiquement, dans ces deux cas, c'est au procureur de prouver que l'acte violent de l'agressé ne remplissait pas un ou plusieurs des critères de la légitime défense.


Mythes sur la légitime défense :

-  les poings des boxeurs sont considérés comme des armes : faux en France

-  on ne peut mettre en œuvre une arme que pour se défendre contre une agression avec arme : faux en soi, cela dépend des circonstances. Mais toutes choses égales par ailleurs, il sera peut-être plus difficile de prouver que l'atteinte portée par un ou des individus désarmés était d'une gravité telle qu'elle nécessitait l'usage d'une arme en réponse

-  il est moins grave d'utiliser une arme improvisée qu'une arme par nature, pour se défendre : faux, la loi française ne fait pas ce genre de distinctions pour apprécier la gravité d'une atteinte à l'intégrité physique

-  les pratiquants de méthodes de combat au corps à corps n'ont pas le droit d'utiliser leur art : faux. Par contre, l'appréciation du caractère proportionné du geste d'un pratiquant sera  plus stricte que s'il s'agissait du pékin lambda, car les juges auront tendance à considérer que du fait de son entraînement, il a une plus grande capacité à maîtriser sa riposte.


Pour conclure sur la légitime défense des personnes :


Il est impossible de dire a priori et dans l'absolu que tel acte, commis en réaction de tel type d'agression, sera ou ne sera pas reconnu comme un acte de légitime défense. Encore une fois, cela dépend des circonstances propres à chaque cas : type d'agression, nombre d'agresseurs, présence ou nom de témoins susceptibles d'intervenir, présence d'alcool, âge, sexe,état physique et antécédents des différents protagonistes....





La légitime défense des biens est définie au second alinéa de l'article 122-5 du code pénal :


N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction.


1° pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien,

La légitime défense des biens concerne « un bien » . Cela peut être le mien, celui d'autrui, un bien public, un bien sans propriétaire.

Il faut « interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit ». Pénalement, quasi toutes les atteintes aux biens sont, à ma connaissance, au moins des délits. Cette condition n'en est donc pas vraiment une. Par contre, le crime ou délit doit être en train de se commettre. On ne peut pas interrompre quelque chose qui n'a pas encore ou déjà eu lieu.

2°  accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire

Cette condition parle d'elle-même. On ne peut JAMAIS tuer  volontairement quelqu'un pour protéger une possession matérielle, quelles que soient les circonstances.

Cela implique qu'on ne peut pas protéger ses biens  des voleurs en les piégeant avec des dispositifs mortels (explosifs, pièges à loups...).  Même si le dispositif ne fait que blesser le voleur, celui qui l'a posé reste juridiquement coupable de tentative d'assassinat.

3° lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi


Aussi une condition de nécessité, mais renforcée par rapport à la légitime défense des personnes.
En pratique et en logique, un acte n'est pas « strictement nécessaire ». Il est nécessaire ou il ne l'est pas. Le législateur a voulu faire passer l'idée que la nécessité doit être appréciée plus rigoureusement s'agissant de la défense des biens. Je ne sais pas ce qu'il en est en pratique.

4° dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction

Mêmes remarques que pour la défense des personnes. A noter que le meurtre n'est JAMAIS un moyen proportionné à la gravité de l'atteinte que subit un bien.


Conseils généraux pour faire reconnaître la légitime défense par les autorités  :


- si les circonstances le permettent, s'identifier clairement comme la victime aux yeux d'éventuels témoins, avant et après avoir posé l'acte de défense

 - prendre le nom et les coordonnées des témoins. Ne pas hésiter à en rajouter une couche : « vous avez vu ? Je m'occupais de mes affaires sans embêter personne et lui, sans aucune raison,  il a essayé de me.... ». Cela pourra aider la personne à bien fixer dans son esprit les rôles respectifs des différents protagonistes

 - prévenir les secours si l'agresseur semble avoir besoin de soins, et la police autrement

 - déposer plainte contre l'agresseur (pas une main courante, mais une vraie plainte, avec constitution de partie civile)

 - au maximum être précis et factuel dans les explications données aux forces de l'ordre. Surtout pas d'arrangements avec la vérité : les bons menteurs sont rares et perdre votre capital de crédibilité aux yeux de gens qui sont chargés de déterminer si vous faites partie des gentils ou des méchants, serait dramatique. Si vous avez une bonne raison de penser que dire la vérité ne vous aidera pas, alors taisez-vous ou au moins restez dans le vague, jusqu'à avoir pu en discuter avec votre avocat.

 - demander l'assistance d'un avocat : Si dès à présent vous connaissez un avocat pénaliste, apprenez par cœur un numéro de téléphone où il est joignable à tout moment, pour le cas où. Contactez le dès que possible (par exemple juste après avoir prévenu les secours ou la police), résumez lui la situation et suivez les conseils qu'il vous donnera. Sinon, cherchez en un dès que possible.
ATTENTION : Un avocat coûte cher si vous ne bénéficiez pas de l'aide juridictionnelle (en pratique, environ 200€ de l'heure au minimum). Raison de plus pour rentabiliser l'investissement en lui racontant bien toute la vérité dès le début, même si elle ne vous fait pas apparaître sous votre meilleur jour. C'est seulement ainsi qu'il pourra vous aider efficacement. Et si suites judiciaires il y a, vous aurez grand besoin de l'aide d'un professionnel pour faire reconnaître votre bon droit.
Les véritables gagnants d'une ruée vers l'or sont les marchands de pioches.

01 février 2011 à 12:02:50
Réponse #1

gurkhan


Bravo ton point est complet et notamment met bien en avant un point essentiel qui est le fait que la légitime défense est une atteinte volontaire à autrui, trop de personnes se font accrocher sur ce point .
"donner largement sans rien attendre en retour" GHC CONCEPT tous droits réservés             

01 février 2011 à 21:08:35
Réponse #2

guillaume


Absolument excellent :doubleup:, ça mérite le wiki !

Merci à toi :).

a+

01 février 2011 à 21:22:18
Réponse #3

Solstice


Pas mal (du tout) pour un premier message ;) +1 pour la wikification, c'est super clair comme texte, ça le mérite amplement!

01 février 2011 à 21:31:08
Réponse #4

bison solitaire


Bravo ton point est complet et notamment met bien en avant un point essentiel qui est le fait que la légitime défense est une atteinte volontaire à autrui, trop de personnes se font accrocher sur ce point .

Tout pareil, j'apprécie le paragraphe sur le côté volontaire...
L'acte de légitime défense doit être voulu (à ne pas confondre avec la volonté de la conséquence).

01 février 2011 à 21:50:38
Réponse #5

crotale


On voit que tu as bien planché sur le sujet, F.  :up:
Ce brillant résumé reprends les principes fondamentaux & juridiques à assimiler avant d'entreprendre toute étude de la défense personnelle...

Parmi les morceaux choisis, rarement abordés & souvent ignorés :

Les armes improvisées ne sont pas considérées comme moins dangereuses et plus politiquement correctes que des armes réelles...Vrai, des gens sont emprisonnés assez longtemps lorsqu'ils tuent leur prochain avec des armes dites "improvisées", quelles qu'elles soient, l'appréciation ne sera pas jugée "moins grave" nécessairement.
La distinction entre des violences volontaires dans la perpective de légitimer sa défense, et l'homicide involontaire est essentielle. Cette subtile perception peut faire toute la différence...attention à la préméditation, et à la notion de proportionnalité qu'il convient d'appréhender dans l'action.

Surtout ne t'arrêtes pas là, F. ;)
http://fredbouammache.blogspot.com/    "Qui s'instruit sans agir, laboure sans semer !"

"Finir est souvent plus difficile que commencer". Jack Beauregard.

02 février 2011 à 00:01:58
Réponse #6

Bomby


J'ai découvert ce forum il y a plus d'un an. Il m'a beaucoup apporté et permis de réellement progresser dans le domaine de la préservation de soi, au sens large.

Pour apporter quelque chose à mon tour, dans un domaine où j'ai une compétence, j'ai rédigé un point sur la notion française de légitime défense.
(...)

Salut F.,

merci pour cet état d'esprit et pour cette contribution qui représente un réel travail...

Je propose juste quelques nuances complémentaires sur des points particuliers...

[/quote] (...)
La cour de Cassation considère que l'acte de légitime défense est nécessairement voulu par son auteur. Or, l'homicide involontaire, défini à l'article 221-6 du code pénal, consiste en substance à causer la mort d'autrui par négligence, maladresse, ou imprudence, sans avoir voulu, ni cette mort, ni l'acte qui l'a causé.

Concrètement, cela veut dire que l'agressé ne peut pas prétendre à la fois bénéficier de la légitime défense et vouloir que son acte soit à défaut considéré comme un homicide involontaire (les peines pour cette infraction sont beaucoup plus légères que celles prévues pour les atteintes volontaires à la personne). S'il veut plaider la légitime défense, il est de fait obligé de reconnaître une atteinte volontaire à l'intégrité physique d'autrui.

Cette interprétation est très critiquable juridiquement et oblige l'agressé à un quitte ou double judiciaire, mais pour l'instant c'est celle de la plus haute juridiction française, il faut donc faire avec.
[/quote]


C'est vrai, mais ça n'est pas en soi très important...

En fait, la recherche de telle ou telle qualification pénale (atteinte volontaire ou involontaire à la personne) est un jeu tactique, qu'on ne maîtrise jamais totalement, et qui intervient après coup, lorsque la mécanique judiciaire s'enclenche, une fois le feu de l'action éteint. Et pour l'instant, dans ce jeu, comme tu le relèves, on ne peut cumuler l'avantage d'une qualification plus légère avec celui d'une possible excuse absolutoire prévue pour les qualifications les plus graves...

Mais à mon sens, il ne faut surtout pas, ni à l'avance, ni dans le feu de l'action, se préoccuper de ces aspects de qualification pénale. Ce serait un moyen assez sûr de se faire des nœuds au cerveau supplémentaires à un moment où il vaut mieux les éviter...

Lorsque la question de la légitime défense se pose en pratique, les questions à résoudre sont déjà assez difficiles, avec notamment le discernement à opérer sur le "switch on / switch off" et sur la proportionnalité, pour qu'il soit inutile d'en rajouter...

[/quote](...)
- demander l'assistance d'un avocat : Si dès à présent vous connaissez un avocat pénaliste, apprenez par cœur un numéro de téléphone où il est joignable à tout moment, pour le cas où. Contactez le dès que possible (par exemple juste après avoir prévenu les secours ou la police), résumez lui la situation et suivez les conseils qu'il vous donnera. Sinon, cherchez en un dès que possible.
ATTENTION : Un avocat coûte cher si vous ne bénéficiez pas de l'aide juridictionnelle (en pratique, environ 200€ de l'heure au minimum). Raison de plus pour rentabiliser l'investissement en lui racontant bien toute la vérité dès le début, même si elle ne vous fait pas apparaître sous votre meilleur jour. C'est seulement ainsi qu'il pourra vous aider efficacement. Et si suites judiciaires il y a, vous aurez grand besoin de l'aide d'un professionnel pour faire reconnaître votre bon droit.

[/quote]

Bon, un avocat coûte généralement cher, c'est vrai, mais on peut aussi en trouver qui soient au final moins chers que les tarifs que tu annonces (en correctionnelle, on ne tarifie pas forcément au temps passé, souvent au forfait par instruction et/ou audience)... Contacter un avocat pénaliste, oui plutôt, pour ça il vaut certes mieux un pénaliste qu'un fiscaliste, c'est sûr, mais attention notamment aux aspects liés à l'image de l'avocat auprès du Tribunal concerné... Arriver devant un T. correctionnel assisté de l'avocat du milieu local quand on passe une fois dans sa vie en correctionnelle pour une affaire de légitime défense n'est pas nécessairement le meilleur choix... Prendre un avocat moins "marqué" peut aussi être un choix payant...

En fait, ce qu'il faut à mon sens retenir, c'est qu'après la "bataille" de la rue qui, par hypothèse a eu lieu, s'il y a des suites judiciaires, c'est une nouvelle bataille, judiciaire donc, qui commence... Le contexte en est complètement différent. L'aléa reste important, trop pour qu'on puisse prendre des risques, et les aspects tactiques restent essentiels...

Chaque chose en son temps : si on livre la première bataille en se préoccupant trop de la suivante (au-delà des questions essentielles ci-dessus : switch on et proportionnalité), on risque de la perdre; et si on livre la seconde sans préparation particulière et en partant du seul principe que le résultat de la première va suffire, c'est pas gagné...

Cordialement,

Bomby

02 février 2011 à 11:08:25
Réponse #7

zapi


J'ai un peu de mal a comprendre ce concept de "noeud au cerveau" quand on aborde la légitime défense, existe t'il réellement des gens qui en se défendant ont peur de faire du mal a autrui et se préoccupent des conséquences de leur actes ? A partir du moment ou on respecte une certaine proportionnalité avec l'agression ( il me frappe  je frappe, il a un couteau je sors le mien ) n'est on pas assez préoccupé par sa défense que pour se remémorer ses cours de droit ?
C'est interessant aussi de pouvoir anticiper l'action prévisible et de ne pas attendre le premier coup ( la par contre je risque d'attendre betement pour etre sur d'avoir bien compris )

02 février 2011 à 23:46:57
Réponse #8

F.


D'abord merci, ça fait toujours plaisir d'avoir du retour et encore plus quand il est bon.

@ bomby :

Sur l'exclusivité entre la LD et les atteintes involontaires à la personne, on est d'accord que dans le feu de l'action, on a beaucoup mieux à faire que se poser de byzantines questions de qualification pénale.

Reste quand même qu'à mon avis, il est bon de connaître cette distinction, pour l'immédiat après agression, parce que concrètement, ça pourra éviter de fusiller d'entrée de jeu ses chances de gagner la bataille judiciaire qui s'annonce, par exemple en faisant à l'OPJ des déclarations mal à propos.

Après sur les tarifs de l'avocat, qu'on puisse trouver (un peu) moins cher, je te crois volontiers, mais fondamentalement, un professionnel ne travaille pas gratuitement et donc ça va coûter des sous.

@zapi "existe t'il réellement des gens qui en se défendant ont peur de faire du mal a autrui et se préoccupent des conséquences de leur actes ?"

Comme ça, je dirai à peu près tous ceux qui ont été élevés dans le respect de leur prochain, à qui leurs parents ont expliqué durant toute leur enfance que la violence ne résout rien, que faire du mal à quelqu'un c'est pas bien et qui ne sont pas d'un naturel bagarreur.

Je suis convaincu que la "bonne éducation" inhibe beaucoup la capacité à poser un acte violent. (Et si je me lançais dans de la sociologie de comptoir, j'irais même jusqu'à dire que c'est d'ailleurs son but)
« Modifié: 03 février 2011 à 00:03:30 par F. »
Les véritables gagnants d'une ruée vers l'or sont les marchands de pioches.

03 février 2011 à 15:42:42
Réponse #9

Bomby


(...)

@ bomby :

Sur l'exclusivité entre la LD et les atteintes involontaires à la personne, on est d'accord que dans le feu de l'action, on a beaucoup mieux à faire que se poser de byzantines questions de qualification pénale.

Reste quand même qu'à mon avis, il est bon de connaître cette distinction, pour l'immédiat après agression, parce que concrètement, ça pourra éviter de fusiller d'entrée de jeu ses chances de gagner la bataille judiciaire qui s'annonce, par exemple en faisant à l'OPJ des déclarations mal à propos.

Après sur les tarifs de l'avocat, qu'on puisse trouver (un peu) moins cher, je te crois volontiers, mais fondamentalement, un professionnel ne travaille pas gratuitement et donc ça va coûter des sous.

(...)

Salut F., je suis évidemment largement d'accord avec toi.

Je pense qu'en fait il faut lier les deux sujets évoqués ci-dessus : la question de la qualification pénale des faits, dans un contexte de légitime défense, il faut en fait la laisser au conseil qu'il faudra évidemment prendre, même si cela peut coûter cher financièrement, si l'histoire a des suites judiciaires.

Une vraie difficulté, pour la "bataille" judiciaire, si donc elle a lieu, sera d'ailleurs à mon sens de pouvoir se faire assister d'un avocat à la compétence et à l'expérience adaptées à la situation.

Or, pour avoir exercé pendant environ une dizaine d'années la profession d'avocat et aujourd'hui en faire régulièrement travailler quelques uns, je vois assez bien qu'il est plutôt difficile pour un profane de se faire une idée à peu près juste de la compétence de son conseil, surtout a priori (c'est finalement vrai dans pas mal de professions, mais peut-être plus encore avec celle-ci). La renommée médiatique n'est par exemple pas nécessairement proportionnelle à la compétence et certains "fantaisistes" auront à cet égard autant sinon plus de succès que les vrais spécialistes.

A l'inverse, entre professionnels, on se trompe plus rarement sur les qualités de tel ou tel. Un des moins mauvais moyens de trouver la bonne personne peut d'ailleurs être paradoxalement de demander, si l'on en connaît un, à un avocat qui précisément n'exerce pas la spécialisation que l'on recherche et qui aura probablement un avis relativement objectif tout en étant moins tenté de retenir un dossier en limite de son champ de compétences.

En tout cas, ce point du choix du conseil est important et il est plutôt recommandé de l'effectuer notamment, particulièrement en matière pénale, en considération de la localisation du procès (ce n'est pas le seul critère, mais c'est toujours au moins une question à se poser, ne serait-ce d'ailleurs que pour ses incidences financières).

A la réflexion d'ailleurs, pour revenir sur la suggestion de F. de se munir à l'avance du numéro de téléphone d'un pénaliste dans la perspective d'une garde à vue, je suis plutôt réservé.

En premier lieu, ce type de précaution est quand même plutôt une attitude de délinquant habituel (et/ou bien organisé), ce qui ne correspond pas à l'hypothèse visée dans ce fil et "marque" forcément un peu la suite de la garde à vue... Par ailleurs, ça fige un peu le choix pour la suite des évènements. Enfin, jusqu'à présent, l'intervention d'un avocat en garde à vue n'avait, à mon humble avis, pratiquement aucun intérêt du point de vue de la défense ultérieure du gardé à vue. L'identité de l'avocat "visiteur" n'avait donc pas beaucoup d'importance... Les choses sont cependant en train de changer avec la réforme de la garde à vue et ce choix en quelque sorte anticipé de l'avocat pourrait devenir nettement plus important... Sujet à suivre en tout cas...

Cordialement,

Bomby


04 février 2011 à 13:40:03
Réponse #10

Campeur


3 messages au compteur, et ça explose déjà le niveau en terme de signal !  :doubleup:

merci beaucoup pour ces informations et leur clarté !
"Posséder les arts de la paix mais non ceux de la guerre, c'est un manque de courage...posséder les arts de la guerre mais non ceux de la paix, c'est un manque de sagesse" Wang Yang Ming (1472 - 1529)

04 février 2011 à 20:37:54
Réponse #11

Thanos


Au sujet de la LD et dans le cadre de la défense de soi-même ou d'autrui, voici quelques moyens mnémotechniques que l'on m'a donnés il y a peu.

Pour que la légitime défense soit valide il faut que l'atteinte soit :

Injustifiée
Réelle
Actuelle 

Et que la réponse à cette atteinte soit :

Nécessaire
Simultanée
Proportionnée

Il suffit de retenir la première lettre de chaque mot.

L'inavisé         
Croit qu'il vivra toujours        
S'il se garde de combattre,
Mais vieillesse ne lui
Laisse aucun répit,
Les lances lui en eussent-elles donné.

Hávámál

A vaincre sans péril, on gagne !             http://www.dailymotion.com/video/x61nne_frankland-vs-excalibur_webcam
Le courage, c'est pour les morts.           http://www.frankland.fr

TACTICAL GEAR: If I Hear One More Tactical Gear Manufacturer say “Our Gear is Used by Special Forces” I am Going to Kick a Kitten in the Head

05 février 2011 à 00:57:59
Réponse #12

Le Grognard


[A mon tour je vais essayer d'apporter ma pierre à l'édifice. F et Bomby ont placé la barre très haut...! :doubleup:
Effectivement, protéger son intégrité physique ou celle d'autrui et même temps se préoccuper du carde légal demande une certaine expérience. Mais, s'est de la logique et on s'habitue vite à transposer une situation réelle dans un cadre légal théorique.
Le principal est de garder à l'esprit la proportionnalité et de ne pas s'emporter sous le coup de la colère, c'est à dire rester maître de soi. Facile à dire!
A l'issue du recours à la force, deux choses sont importantes, voire capitales:
1- Une fois que l'agresseur est neutralisé, ne pas omettre de lui porter secours, même si s'est un gros c..... Dans le cas contraire, cela ne nuira pas à la notion de LD, mais vous pourrez être poursuivi de non assistance à personne en péril (délit punissable d'une peine d'emprisonnement).
2- Lors du dêpot de plainte et/ou audition(voire garde-à-vue), argumentez toutes vos actions. En matière de LD tout est permis, y compris le pire, à condition que se soit justifié. Pourquoi etiez-vous en danger; pourquoi l'affrontement était il la meilleur défense; pourquoi avoir porter tel coup et avec quelle intention de résultat; pourquoi avez-vous décidé d'utiliser la pelle qui se trouvait à proximité; pourquoi l'enmener au sol; faîte apparaître vos contraintes (rapport de force, de nombre, l'agresseur était armé, etc) etc... Il faut justifier chaque action.

05 février 2011 à 07:38:16
Réponse #13

DavidManise


Bonjour :)

Vraiment un super article ! :)

J'aimerais bien le récupérer pour le site du CEETS !  C'est possible, mister F ? :)

Je pense que ce genre de décryptage doit être largement diffusé.

Ciao ;)

David
"Ici, on n'est pas (que) sur Internet."

Stages survie CEETS - Page de liens a moi que j'aimeu

05 février 2011 à 10:03:05
Réponse #14

LeBaron


Salut

Pour (presque ) tout savoir : un excellent livre :
Force à la Loi
de Laurent-Franck LIENARD
aux éditions Crepin-Leblond
Prix autour de 15 euros
Un truc très complet : textes de loi, jurisprudences, analyses, etc...Tout sur la LD
Bonne lecture

05 février 2011 à 15:47:52
Réponse #15

Bomby


[quote author=Le Grognard (...)
Le principal est de garder à l'esprit la proportionnalité et de ne pas s'emporter sous le coup de la colère, c'est à dire rester maître de soi. Facile à dire!
A l'issue du recours à la force, deux choses sont importantes, voire capitales:
1- Une fois que l'agresseur est neutralisé, ne pas omettre de lui porter secours, même si s'est un gros c..... Dans le cas contraire, cela ne nuira pas à la notion de LD, mais vous pourrez être poursuivi de non assistance à personne en péril (délit punissable d'une peine d'emprisonnement).
2- Lors du dêpot de plainte et/ou audition(voire garde-à-vue), argumentez toutes vos actions. En matière de LD tout est permis, y compris le pire, à condition que se soit justifié. Pourquoi etiez-vous en danger; pourquoi l'affrontement était il la meilleur défense; pourquoi avoir porter tel coup et avec quelle intention de résultat; pourquoi avez-vous décidé d'utiliser la pelle qui se trouvait à proximité; pourquoi l'enmener au sol; faîte apparaître vos contraintes (rapport de force, de nombre, l'agresseur était armé, etc) etc... Il faut justifier chaque action.


[/quote]


Salut Le Grognard, excellent focus sur les priorités réelles, à mon avis !

L'essentiel est vraiment là...

Après, on peut souhaiter approfondir la réflexion sur la LD et par exemple lire l'ouvrage recommandé par LeBaron...

Mais pour moi, ce n'est pas du tout prioritaire et, sauf peut-être nécessité professionnelle pour certains, ma recommandation serait de ne le faire que si on a un réel goût pour la chose juridique. En terme d'efficacité dans une perspective de protection personnelle, il ne me semble vraiment pas qu'il soit utile d'approfondir plus l'étude de la jurisprudence... Il me semble nettement préférable de "driller" des scenarii...

Je me répète un peu lourdement, mais je préfère recopier ici ce que j'avais écrit il n'y a pas si longtemps dans un autre fil à propos de la LD:

Je constate par ailleurs que les questions de légitime défense sont ici soulevées de façon récurrente et j'y vois, comme Thanos dans un autre fil à propos des discussions répétées sur les mérites respectifs de tel ou tel matériel, une sorte de tentative de se rassurer à l'avance, ici en l'occurrence en tentant de se dispenser par avance du discernement qu'il y aura lieu de faire le moment venu, sous stress intense et dans des conditions par hypothèses très défavorables.

Mon avis est que malheureusement cette tentative est parfaitement vaine. Le plus important à retenir me semble-t-il est qu'en matière de légitime défense, chaque cas est particulier, et que le discernement à opérer le moment venu ne peut jamais être fait par avance et en théorie.


Je ne voudrais pas prétendre avoir fait le tour de la question et encore moins limiter le débat ou la réflexion au sujet de la LD mais il me semble sincèrement qu'ici, en quelques posts en nombre limité sur le sujet, et ce grâce au gros travail initial de F., on a suffisamment d'éclairages pour retenir plus que le minimum qu'il y a besoin de savoir sur le sujet dans une perspective de SD.

Drillez des scenarii réalistes en ayant en tête les priorités soulignées par le Grognard (proportionnalité, assistance à l'agresseur s'il est HS et dans la mesure du possible, et justification -possible- de votre attitude) et votre temps sera certainement mieux employé qu'en parcourant plus en détail la jurisprudence publiée sur legifrance...

Cordialement,

Bomby




05 février 2011 à 20:19:46
Réponse #16

Patrick


Bomby, F., Crotale, Bull, vu que vous êtes des pointures  :up: pourrait on résumer en disant que les moyens mis en oeuvre pour faire cesser la menace doivent être proportionnels au risque encouru et non aux moyens utilisés ?

En effet, on entend souvent la sempiternelle légende urbaine du "s'il me met un coup de poing je dois répondre par un coup de poing".

En effet, si je suis étranglé à mains nues je peux saisir dans ma table de nuit une arme à feu et tirer (pas en France où une arme doit être maintenue dans un coffre) et ainsi opposer un homicide volontaire à un risque d'homicide.

05 février 2011 à 21:44:25
Réponse #17

Bomby


Bomby, F., Crotale, Bull, vu que vous êtes des pointures  :up: pourrait on résumer en disant que les moyens mis en oeuvre pour faire cesser la menace doivent être proportionnels au risque encouru et non aux moyens utilisés ?

En effet, on entend souvent la sempiternelle légende urbaine du "s'il me met un coup de poing je dois répondre par un coup de poing".

En effet, si je suis étranglé à mains nues je peux saisir dans ma table de nuit une arme à feu et tirer (pas en France où une arme doit être maintenue dans un coffre) et ainsi opposer un homicide volontaire à un risque d'homicide.

Bien vu Patrick, c'est un éclairage qui manquait sans doute encore sur la question, essentielle, de la proportionnalité.

Un tout petit peu plus précisément, je dirais cependant que les "moyens mis en oeuvre pour faire cesser la menace doivent rester proportionnels au risque encouru et non aux moyens utilisés ".

Il n'y a en effet aucun automatisme dans l'appréciation : la proportionnalité définit en substance, en fonction de l'importance de la menace, un plafond pour les moyens que l'on peut mettre en œuvre et seulement un plafond.

Mais attention, il ne faut naturellement en déduire aucun blanc-seing permettant de défourailler à tout va. Reste en effet alors la question de la nécessité du moyen mis en œuvre.

Si par exemple notre vie est réellement menacée, quel que soit le procédé d'agression utilisée, on peut a priori se défendre en utilisant un moyen potentiellement létal, même si le moyen utilisé pour se défendre est d'une capacité létale très supérieure à celui utilisé pour l'agression (exemple d'une arme blanche ou à feu pour faire cesser un étranglement). Mais encore faut-il, en principe, que nous ne disposions pas pour faire cesser la menace d'un moyen moins létal permettant d'atteindre le même but.

Attention encore une fois aux contre-sens et aux généralisations abusives : chaque cas est particulier et on ne peut rien prévoir automatiquement à l'avance...

Comme l'a bien rappelé F. dans sa synthèse initiale : l'acte commis pour faire cesser la menace ou l'agression doit en effet être "strictement nécessaire au but poursuivi".

Alors certes, dans une vraie hypothèse de légitime défense, où l'on serait par définition agressé par surprise, il est peu probable que l'on ait à disposition tout un panel de moyens de défense permettant de graduer la riposte et, à supposer cette première condition réunie, il est encore moins probable que l'on ait le loisir de choisir parmi ce panel l'arme qui conviendra le mieux à la situation.

La question de la stricte nécessité, au plan des moyens utilisés, relèvera donc souvent me semble-t-il de l'hypothèse d'école. Il n'empêche qu'elle est une condition de la légitime défense, à intégrer en pratique dans celle de la proportionnalité.

En résumé et de mon point de vue: la proportionnalité de la riposte n'est surtout pas une question d'équivalence des moyens, mais relève de l'appréciation de ce qui est immédiatement nécessaire, dans le cas  particulier considéré avec toutes ses circonstances spécifiques, pour faire cesser la menace.

Reste encore cependant que l'appréciation de la menace est un point particulièrement subjectif et donc aléatoire... A partir de quand par exemple une agression met-elle en jeu la vie de la victime? C'est quand même souvent difficile à définir objectivement...

Face à ce risque, qui caractérise un aléa judiciaire majeur, on mesure à mon avis assez vite combien il est délicat d'utiliser un moyen de défense par hypothèse  "très létal" (F. prenait l'exemple d'une clé cervicale poussée à fond, et toi celui d'une arme à feu utilisée quasiment à bout touchant). Et donc a fortiori combien il est délicat de "driller" prioritairement voire exclusivement des ripostes de ce type.

J'en reviens donc à la sage recommandation de Le Grognard : notre comportement doit pouvoir être justifié à posteriori, et pour cela le mieux à mon humble avis est de se référer au bon sens le plus commun, plutôt qu'à telle ou telle jurisprudence anecdotique.

Je ne suis pas sûr que ce soit beaucoup plus clair après ce post, mais au moins j'aurai essayé de faire avancer le schmilblick...

Cordialement,

bomby





06 février 2011 à 18:14:25
Réponse #18

bison solitaire


Bomby, F., Crotale, Bull, vu que vous êtes des pointures  :up: pourrait on résumer en disant que les moyens mis en oeuvre pour faire cesser la menace doivent être proportionnels au risque encouru et non aux moyens utilisés ?

En effet, on entend souvent la sempiternelle légende urbaine du "s'il me met un coup de poing je dois répondre par un coup de poing".

En effet, si je suis étranglé à mains nues je peux saisir dans ma table de nuit une arme à feu et tirer (pas en France où une arme doit être maintenue dans un coffre) et ainsi opposer un homicide volontaire à un risque d'homicide.

Oouch, j'suis pas une pointure parce que, encore une fois, je n'ai pas la mécanique intellectuelle du juriste...
Mais pour le résumé, je dirais oui... et non parce qu'il y a tout de même un corollaire entre les moyens mis en oeuvre et la façon de mettre en oeuvre ces moyens.
En fait je pense que c'est un domaine complexe, et de fait qu'il est particulièrement délicat de résumer une quelconque notion.
Même pour l'acronyme proposé, je suis réservé car il ne reprend pas l'acte volontaire pour ce qui est de la riposte...
« Modifié: 06 février 2011 à 21:49:37 par bison solitaire »

06 février 2011 à 18:41:31
Réponse #19

Kilbith


Citer
Si par exemple notre vie est réellement menacée, quel que soit le procédé d'agression utilisée, on peut a priori se défendre en utilisant un moyen potentiellement létal, même si le moyen utilisé pour se défendre est d'une capacité létale très supérieure à celui utilisé pour l'agression (exemple d'une arme blanche ou à feu pour faire cesser un étranglement). Mais encore faut-il, en principe, que nous ne disposions pas pour faire cesser la menace d'un moyen moins létal permettant d'atteindre le même but.

J'ai une question :

Il me semble que pour les forces de Police (hors Gendarmerie), le cadre légal d'emploi de la force est le même que celui applicable aux autres citoyens, grosso modo la légitime défense. Même si leur état de policier entraine des obligations plus impérieuses.

Dans cet hypothèse, sont-ils soumis à la même proportionnalité?  :huh:
"Vim vi repellere omnia jura legesque permittunt"

06 février 2011 à 18:43:08
Réponse #20

Thanos


Dans cet hypothèse, sont-ils soumis à la même proportionnalité?  :huh:

Oui tout autant !! 

L'inavisé         
Croit qu'il vivra toujours        
S'il se garde de combattre,
Mais vieillesse ne lui
Laisse aucun répit,
Les lances lui en eussent-elles donné.

Hávámál

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Le courage, c'est pour les morts.           http://www.frankland.fr

TACTICAL GEAR: If I Hear One More Tactical Gear Manufacturer say “Our Gear is Used by Special Forces” I am Going to Kick a Kitten in the Head

06 février 2011 à 19:00:24
Réponse #21

Le Grognard


Le cadre légal de la LD est exactement même pour tout le monde, y compris la Gendarmerie. Pour les Forces de l'Ordre, il y a des articles et décrets spécifiques permettant le recours à la Force afin maintenir l'Ordre Public mais là on sort du cadre de la LD

06 février 2011 à 19:38:48
Réponse #22

sharky


Attention à ne pas confondre tout et n'importe quoi.


On glisse là sur l'usage de l'arme des forces de l'ordre qui ne doit se faire uniquement en cas de légitime défense pour les policiers. Les gendarmes, de part leur statut militaire, peuvent en faire un usage un peu plus large. Ces dispositions particulières sont retrouvables sur le net.

Edit: Je suis bon aujourd'hui, je vous les mets:

Les dispositions propres à la gendarmerie
 
L'article 174 du décret du 20 mai 1903, modifié par le décret du 22 juillet 1943 (portant modification aux articles 174 et 280 du décret du 20 mai 1903 sur le service de la gendarmerie, in Journal officiel du 18 septembre 1943), dispose que : " les officiers, gradés et gendarmes ne peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants :  
 
- lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;
 
- lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes ;
 
- lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de " Halte gendarmerie ", faits à haute voix, cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes ;
 
- lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt ;
 
- ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés tels que herses, hérissons, câbles, etc., pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt. "  
 
Il faut ajouter un cinquième cas d'usage de l'arme, énoncé dans l'article 280 du décret du 20 mai 1903 modifié par le décret du 22 juillet 1943 : " dans le cas où il y a rébellion de la part des prisonniers ou tentative d'évasion, le commandant de l'escorte, dont les armes doivent être toujours chargées, leur enjoint de renter dans l'ordre par les mots : "Halte ou je fais feu". Si cette injonction n'est pas écoutée, la force des armes est déployée à l'instant même pour contenir les fuyards ou les révoltés. "
''what you learn in the afternoon must work for you that evening in the parking lot" Kelly Mc Cann

"despite what your mamma told you, violence does solve problems." Ryan Job

06 février 2011 à 19:57:16
Réponse #23

gurkhan


il faut tempérer les pouvoirs particuliers de la gendarmerie car la tendance actuelle des magistrats est de les analyser à la lumière des règles de la légitime défense.  A terme on peut penser que ces spécificités vont disparaître notamment du fait du rapprochement police-gendarmerie.
"donner largement sans rien attendre en retour" GHC CONCEPT tous droits réservés             

06 février 2011 à 20:24:34
Réponse #24

sharky


il faut tempérer les pouvoirs particuliers de la gendarmerie car la tendance actuelle des magistrats est de les analyser à la lumière des règles de la légitime défense. 

Tendance actuelle, effectivement.
En fait, je me souvenais des soirées au coin du feu où mon grand père ancien gendarme (territoriale et coloniale) nous contait les missions spécifiques confiées aux gendarmes du fait de leur règle d'engagement de l'arme à feu comme le transport de prisonnier...
Nostalgie quand tu nous tiens  :)
''what you learn in the afternoon must work for you that evening in the parking lot" Kelly Mc Cann

"despite what your mamma told you, violence does solve problems." Ryan Job

 


Keep in mind

Bienveillance, n.f. : disposition affective d'une volonté qui vise le bien et le bonheur d'autrui. (Wikipedia).

« [...] ce qui devrait toujours nous éveiller quant à l'obligation de s'adresser à l'autre comme l'on voudrait que l'on s'adresse à nous :
avec bienveillance, curiosité et un appétit pour le dialogue et la réflexion que l'interlocuteur peut susciter. »


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