Il y a un peu plus d'un an j'ai "eu" un accident de moto ...
Un "gros" accident de moto ...
L'été s'était bien passé.
Pour mes 50 ans j'avais décidé que le seul cadeau que je voulais c'était des grandes et vraies vacances et en plus des trois semaines habituelles j'avais posé quatre semaines sans solde. Mis à part le traditionnel séjour dans la maison familiale avec ma fille je n'avais pas de programme établi, juste l'envie d'être tranquille et de pouvoir me dire chaque jour "tiens j'ai envie de faire ça" ... et de le faire !
Du coup j'ai commencé par profiter du beau temps en alternant l'entretient de la moto et les balades puis quand la moto a été prête et que ça m'a pris j'ai installé les sacoches, mis des fringues dans un sac de voyage et je suis parti plus ou moins au hasard sur les petites routes pour une grosse virée pleine de petites routes, de paysages, de virages et d'amis retrouvés.
Puis je suis rentré ... et reparti en voiture et en famille puis de nouveau à moto, etc.
Enfin bref fin aout il a bien fallu reprendre le boulot et retrouver la banlieue et sa circulation chaotique ...
Quelques jours après la reprise je suis allé un soir diner avec une copine. Il faisait très chaud, et j'en avais pour à peine 20 minutes de trajet mais après délibération avec moi-même j'ai quand même mis le gros blouson en cuir avec toutes ses coques dorsales etc, les gants coqués et les chaussures montantes et j'ai juste remplacé le pantalon en cuir par un jean parce que l'idée de marcher pour aller au restau en étant englué dans un cuir c'était trop même pour un apôtre du
"protégez-vous".
Voyage aller normal avec le périph à l'heure de pointe et son lot de camionnettes qui déboitent sans clignotants, de païlotes qui prennent l'interfile pour un circuit de course, etc, pas agréable mais habituel. Soirée sympa puis je reprends la route vers mon chez moi parce que j'ai beau tourner autour du pot il va bien falloir y arriver à ce put**n d'accident !.
On est fin aout, fin de soirée un jour de semaine donc la circulation est peu dense, la route est sèche et la visibilité excellente sur l'autoroute.
J'arrive dans une grande ligne droite à trois voies mais limitée à 90 avec un radar automatique au bout où les quelques véhicules présents (moi y compris) respectent scrupuleusement la limitation et je reste sur la file du milieu car je sais qu'au bout de la ligne droite il y a une sortie et que j'ai souvent vu des furieux se rabattre au dernier moment.
Tout d'un coup j'entends un crissement de pneus très violent et très proche derrière moi ! Je n'ai pas le temps de regarder dans mon rétro que je vois des phares me doubler très vite et que je sens la moto se mettre en travers.
Tout va alors très vite et très lentement ... J'ai le temps de sentir que la moto se couche pendant que je suis éjecté, d'attendre le choc de l’atterrissage en espérant que la moto ne va pas me retomber dessus, de sentir le choc et de rebondir sans avoir vraiment mal puis, pendant que je vole une seconde fois, d'espérer que les autres véhicules ne vont pas me passer dessus quand je m’arrêterai, de retomber, de rouler, de me dire qu'il faudrait que je rentre les membres sans rien pouvoir contrôler, de glisser en sentant le bitume qui me bouffe les genoux et qui rappe le casque, de rouler de nouveau puis encore de glisser en sentant que cette fois ci c'est la fesse qui prend. Enfin je m'arrête ...
Je sais que je suis abimé et que j'ai des trucs pétés mais il faut que je me lève tout de suite parce que je ne veux pas crever ici sous les roues d'une voiture alors je me lève, repère la bau et cours m'appuyer contre le rail tout en notant que celui qui m'a envoyé au tas ne s'est pas arrêté.
Plusieurs voitures se garent, j'essaie d'ouvrir mon blouson mais mes bras ne veulent pas bouger, j'insiste mais je sens des crissements bizarres dans l'épaule gauche, j'essaie à droite mais là je vois que ma main est tordue d'une drôle de façon. Des gens courent vers moi, me parlent, je réponds, je commence à avoir mal. Je fais un bilan des zones douloureuses, bouge les jambes, la tête, ça va, j'ai au moins une épaule et un poignet cassés ainsi que des pizzas sur les jambes mais la colonne et la tête ont l'air ok. On me fait m'assoir par terre ... je me marre intérieurement : m*rde c'est vrai moi qui suis SST je suis resté debout contre le rail comme un con alors que je sais que je risque de partir d'un coup ! J'ai chaud ... ou froid en tout cas j'étouffe un peu.
Je demande que quelqu'un m'enlève mon casque. Forcément ils refusent, je parlemente, raisonne, leur explique que mon cou et ma tête vont parfaitement bien et que j'ai besoin d'air. Ils finissent par céder, je respire. J'ai de plus en plus mal et l'épaule droite n'a pas l'air d'aller bien non plus ... m*rde ! m*rde et m*rde !
Les pompiers arrivent. L'un d'eux commence à m'examiner et voit surtout le pantalon rappé avec un peu de sang. Je lui explique que c'est plutôt les épaules et mon poignet qui m'inquiètent, il me touche le bras, je hurle ... Il prend un air très gêné et m'annonce que cela va être difficile de m'enlever mon blouson et qu'il faudrait peut être le découper ... Ben oui pas de problème découpe ! Je ne vais pas m'inquiéter pour une put**n de manche de blouson alors que je ne suis même plus sur d'avoir vraiment des bras ! Il a l'air soulagé et m'explique que certains motards même salement atteints refusent qu'on découpe leur blouson ...
Ensuite il y a un moment un peu flou ... Je n'ai pas perdu conscience mais maintenant que les pompiers étaient là c'était à eux de gérer et moi mon boulot c'était juste de répondre aux questions quand on m'en posait et de serrer le dents le reste du temps ... Ayé je suis sur un brancard dans l'ambulance je suis en calbut et ils ont découpé, en plus du blouson, le pantalon, la chemise et même mes Lowa ils ont coupé les lacets
la bonne nouvelle c'est que sur les jambes seuls la peau et le gras ont été attaqués par contre pour les bras ils font une drôle de tête en me disant qu'on verra à l’hôpital ...
Un jeune pompier arrive et pensant sans doute me remonter le moral m'annonce que la moto n'a pas l'air très abimée, je lui réponds que je risque de ne pas pouvoir la conduire tout de suite et que je lui échange la moto contre un bras en état !
Arrivée à l’hôpital. Pour une fois c'est moi qui gratte toute la file d'attente aux urgences. Salle de radiographie, j'ai eu beau serrer les dents et faire des blagues pourries j'ai quand même couiné un peu quand on m'a bougé, en fait j'ai de plus en plus mal, ça empire à chaque choc (Ah le ralentisseur à l'entrée de la clinique ! Même à 2 à l'heure je l'ai bien senti) ou mouvement et ils finissent par prendre les radios comme ils peuvent dans la position où je suis.
...
Une jeune infirmière sans doute pas faite pour le service des urgences m'engueule parce que 1) elle n'arrive pas à trouver de veine pour me faire ses prises de sang 2) je n'arrive pas à pisser dans son flacon.
Ben oui mamzelle ! Déjà que d'habitude j'aime bien prendre mes aises et être au calme là c'est pas avec toi qui râle et moi allongé sur un brancard avec un spot dans la gueule que ça va venir comme ça !
L'interne qui revient avec les radios a l'air bien embêté ... Je lui explique que jusque là j'ai été raisonnable et que si il a quelque chose à me dire ben je l'écoute. Bilan :
- Une fracture de l’humérus droit et c'est normal que je ne puisse pas bouger le bras vu que la coiffe a pris son indépendance mais c'est une "belle" fracture et ça devrait se remettre
- Le poignet droit est bien amoché, notamment le bout du radius en miettes, mais ça devrait pouvoir se réparer pas trop trop mal
- La clavicule gauche est en trois morceaux mais ça on s'en fout
- L’humérus gauche a une grosse fracture mais surtout la coiffe est en plein de morceaux et il ne voit pas comment c'est réparable sans prothèse
...
...
OK
Je suis vivant
Je suis conscient
Je peux marcher (enfin je pourrai marcher si j'avais envie mais là tout de suite j'ai pas vraiment envie)
OK
Ça va aller !
Opération demain
On m’emmène dans une chambre. Là l'infirmier est sympa :
- Dites j'ai mal
- Ben ils ne vous ont rien donné ?
- Nan ...
Un peu plus tard j'ai enfin droit à des cachets et à ma pompe à morphine, ce n'est pas parfait mais je peux commencer à desserrer les dents
Le jour suivant je passais sur le billard pour ma première opération, finalement les chirurgiens ont trouvé que j'étais trop jeune pour une prothèse et ils ont passé cinq heure à deux pour trier les morceaux.
Puis il y a eu une autre opération et encore d'autres et des petites victoires (la première fois où tu bois tout seul avec une paille, la première fois où tu peux te torcher tout seul, ...) et des grandes (le jour où tu rentres chez toi, le jour où tu peux conduire une voiture, ...)
Trucs en vrac :
- Merci à tout le monde ! Aux témoins qui se sont arrêtés, aux pompiers, aux flics, aux infirmier(e)s, médecins, aides soignant(e)s qui m'ont soigné,lavé et nourri, aux amis, voisins et collègues qui sont passés me voir enfin à tous les humains grâce auxquels on ne reste pas à pourrir sur le bord des routes !
- Je ne comprends toujours pas bien comment j'ai fait mais je me suis relevé, je me suis relevé en m'appuyant sur mes bras alors je n'avais objectivement plus de bras à ce moment là (mais je ne le savais pas encore ?)
-Il y a des mecs qui sont peut-être en train de crever et qui s'inquiètent pour l'état de leur blouson ?
- Je suis vivant, conscient et autonome ... mais ça s'est joué à un quart de poil de cul ! Mettez toutes les chances de votre coté et essayez d'avoir toujours le maximum de poils de cul d'avance (et pas que pour rouler à moto)
- Un pote motard qui avait toujours roulé avec un casque jet et allé s'acheter un intégral quelques jours après avoir vu les traces sur l'avant du mien
- Il y en a plein d'autres mais là il est tard ...
Demain je rentre à l’hôpital pour ma sixième opération alors je ne sais pas bien pourquoi je le fais (Témoignage ? Avertissement ? Auto-thérapie ? ... ?) mais ce soir j'avais envie de raconter ça